Étrange pouvoir de suggestion de cette figure de femme assise devant une table sur laquelle on distingue quelques fruits épars.
Visage immobile et frappé de stupeur.
Ce visage n’est émouvant et beau que parce que la pensée qui l’habite et qui l’anime est belle. Un regard inquiétant l’illumine
Une mise en page fondée sur l’éloquence des vides. Aucun poncif, aucun vain remplissage, aucune velléité de meubler la surface par des moyens factices. Cette pureté et cette économie permettent à Arditi de créer une austère architecture plastique tout en infiltrant un élixir de vie aux êtres et aux objets.
Le style de notre auteur est franc, fruste et direct. Sa filiation provençale et latine ne se manifeste que par son dépouillement, par le parti sculptural de ses formes comme taillées à coups d’embauchoir, et par sa volonté d’aller au fond des choses. Son personnage se détache sur un fond neutre, nu et abstrait ; les deux éléments du tableau agissent séparément et restent totalement étrangers l’un à l’autre.
Paysages écorchés au terrain mis à vif, la lumière n’enveloppe pas les formes ; elle met en relief leur contexture intime. Elle fait apparaître le grain rugueux des pierres, les boursouflures et les veines du bois. Peintre des Causses, Arditi ne cherchent pas à traduire leur aspect pittoresque. Ses vues qui ressortissent dans une certaine mesure à la géologie, sont des études ardentes et passionnées. Toutes portent la marque d’une attitude et d’un tempérament qui trahissent un esprit pathétique et un observateur doublé d’un visionnaire.
Intérieurs primitifs de pauvres maisons rurales qui représentent la permanence française. Rien n’a varié ici depuis des siècles. Les murs ont l’épaisseur des vieilles murailles d’enceintes, les meubles, mal équarris sont lourds ; d’une beauté primordiale, ils transmettent des sensations de poids et adhèrent bien au sol. Les hommes qui vivent dans ces demeures font corps avec le cadre naturel et architectural.
J’aimerais dire, avant de terminer, ce que sont les natures mortes d’Arditi. Chaque nature morte qu’il compose et qu’il peint est un petit univers.
La première évoque spontanément la forêt et l’atmosphère Sylvestre. La seconde, la vie des champs. La troisième, l’existence domestique. Toutes sont modelées par l’ombre qui entame les volumes. Leur réalité n’exclut pas le mystère. Traitées en clair-obscur, elles suggèrent une présence qu’on ne perçoit que fort malaisément par le sens de la vue, mais dont on subit à la fois l’envoûtement et la fascination.
Waldemar George, 1949